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Dans les coulisses d'une ZEP: Témoignage de Myriam Meyer, prof en banlieue

Dans les coulisses d'une ZEP: Témoignage de Myriam Meyer, prof en banlieue

Un article rédigé par Faustine Claret - le 13 septembre 2024 - Modifié le 13 septembre 2024
Myriam Meyer, professeur en Zone d'Éducation Prioritaire (ZEP) et auteur du livre Wesh, madame ?! - Rires et larmes d'une prof de banlieue (Éd. Robert Laffont). Entre anecdotes poignantes et analyses sur la baisse du niveau scolaire, elle dévoile la réalité des enseignants en milieu défavorisé, confrontés à des défis éducatifs, sociaux et personnels. À travers ce cri d’alarme, Myriam Meyer rappelle l'importance de l'éducation tout en appelant à un soutien urgent pour les professeurs.
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En avril 2023, 6 185 établissements scolaires français sont classés en Zone d'Éducation Prioritaire (ZEP). Les élèves proviennent en grande majorité de catégories socialement défavorisées. Un choc culturel se produit souvent entre eux et leurs professeurs, mais ces derniers n'hésitent pas à raconter leur quotidien, partagé entre espoir et déprime. Myriam Meyer est l'une de ces enseignantes. Après six ans à enseigner le français, le latin et le grec dans un collège du Val-de-Marne, elle témoigne avec émotion de ces années passées en tant que "Madame vieux mots" dans son livre Wesh, madame ?! - Rires et larmes d'une prof de banlieue (Éd. Robert Laffont).

Violence, baisse de niveau et exemplarité: cri d'alarme et espoir d'une enseignante en ZEP

"Écoutez donc Corneille, Lautréamont, Rimbaud, Péguy et Claudel. Écoutez le grand Hugo. Le français, ce sont les grandes orgues qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l'orage", a écrit Léopold Senghor dans la postface d'Éthiopiques. Cette citation résume ce que Myriam Meyer a voulu transmettre à ses élèves de ZEP, des élèves qui sont "ambitieux, volontaires, polis, adorables, mais un peu noyés dans la masse", témoigne-t-elle. Cependant, vouloir transmettre cet amour pour la langue française ne suffit pas à relever le niveau en français dans ces établissements, comme le rappellent les classements PISA. Avec nuance, Myriam Meyer rappelle qu'entre 1968 et aujourd'hui, 520 heures de français ont été supprimées des programmes scolaires, au fil des réformes adoptées par les gouvernements successifs. Ce n'est pas le seul problème qu'elle soulève. Elle dénonce également la politique visant à ce que 80 % des terminales obtiennent leur bac, ainsi que les commissions d'harmonisation qui augmentent "de x pour cent" les notes lors de la correction du brevet, tandis que les professeurs s'efforcent d'enseigner la conjugaison, la syntaxe, la grammaire, et les grands textes littéraires. Myriam Meyer pointe aussi la baisse de la "culture du livre", notamment dans les milieux ouvriers, mais également chez les cadres. Les lecteurs sont de plus en plus rares et les écrans de plus en plus envahissants : "89 % des enfants de 12 ans possèdent un smartphone".

Un tableau plein d'espoir

Cette enseignante ne brosse pas seulement un tableau noir de son expérience. Au contraire, son témoignage est plein d'espoir, comme en témoignent les anecdotes présentes dans son livre, à l'image d'une élève indienne arrivée en France sans connaître la langue. En un an et demi, cette dernière a obtenu seize de moyenne : "et je ne note pas avec indulgence", précise Myriam Meyer. Cette élève avait la "volonté de réussir", comme beaucoup d'autres, qui "travaillent d'arrache-pied" car "la littérature appartient à tous, elle est universelle."

Pénurie d'enseignants et salaires : le message au prochain ministre de l'Éducation nationale

"En 10 ans, le taux de démissions chez les enseignants a augmenté de plus de 500 %. Nous ne sommes pas les mieux payés de l'OCDE et il manque 3 000 enseignants ! Si la France veut vraiment redresser la barre et avoir des enseignants compétents et qualifiés, il va falloir mieux les traiter et mieux les payer", a déclaré Myriam Meyer lors de son passage dans Le Grand Témoin. Elle rappelle que l'éducation prend du temps, mais que les réformes se succèdent sans qu'aucune n'ait le temps de porter ses fruits. "L'école a changé, l'éducation a changé", souligne-t-elle, évoquant également l'ombre de Samuel Paty, toujours présente dans les esprits des enseignants. Autrefois, l'instituteur était "un notable, au même titre que le maire ou le curé". Aujourd'hui, "l'enseignant, le maire, le curé, le militaire, le journaliste sont en danger", car "ils incarnent une culture, un idéal" qui sont parfois remises en question, voire menacées, dans une société où les repères évoluent rapidement.

Un dernier appel à la qualité de l'éducation

Face aux défis croissants de l'enseignement en France, Myriam Meyer n'hésite pas à rappeler l'importance de l'éducation dans la formation des générations futures. Comme l'exprimait si justement Jacqueline de Romilly dans Alcibiade : "La démocratie ne peut s’accommoder de valeurs en veilleuse. Et c’est pourquoi la qualité de l’éducation, où se forment les hommes à venir, devrait être le premier souci des hommes politiques amis de la démocratie – ce qui, apparemment, n’est pas le cas." Ces mots résonnent profondément dans le contexte actuel, où les enseignants, malgré les difficultés, continuent à jouer un rôle central dans la transmission des savoirs et des valeurs. L'éducation, pilier de la démocratie, doit rester une priorité pour garantir un avenir où chacun puisse trouver sa place et s'épanouir pleinement. L'espoir reste, à condition que la société et ses dirigeants se mobilisent pour défendre et valoriser ce bien commun qu'est l'école.

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